Tisiphone est amoureuse. Chapitre 10 : Les sexploits d’Adèle
- StanislasMleski
- 26 nov. 2020
- 9 min de lecture

Adèle patientait dans le salon d’attente du patron de Galaxy One, confortablement installée dans un fauteuil en peau de panthère verte. L’espèce de bombe sexuelle qui était la secrétaire personnelle du boss la regardait avec cette sorte d’animosité qu’ont les femmes qui aperçoivent une rivale pénétrant dans leur territoire. L’assistante avait immédiatement remarqué la séduction de cette journaliste avec son air assuré, sa silhouette travaillée dans les salles de sport et rehaussée par de la lingerie haut de gamme. Elle portait un costume noir discrètement sexy composé d’un pantalon à taille basse et d’une veste serrée à la taille légèrement évasée sur les hanches pour mettre les fesses en valeur. Adèle avait appris il y a trois jours qu’elle était invitée par le patron de la chaîne qui avait la réputation d’être sensible au charme féminin. Elle ne voulait pas rater cette occasion de lui plaire. Après quelques minutes d’attente le téléphone avait sonné et la pimbêche du secrétariat s’était levée pour lui annoncer :
- C’était monsieur Deterville qui a un peu de retard et vous invite à profiter de son bureau.
Elle avait appuyé sur un bip et une immense porte coulissante s’était ouverte lentement pour se refermer automatiquement derrière elle.
Adèle était restée les bras ballants à l’entrée de la pièce. Le bureau présidentiel était une bulle de verre qui recouvrait toute la surface de l’immeuble et qui dominait New York, la capitale de la planète Terre. Curieusement, elle n’était équipée que d’un meuble de bureau et d’une table de salle à manger située à l’autre extrémité qui semblaient ridiculement minuscules dans le volume sans fin de la bulle transparente.
Sa rêverie fut interrompue par l’arrivée du boss suivi de son assistante et de deux collaborateurs. Geoffroy Deterville avait belle allure. Il était grand et mince, presque maigre, avec un visage creusé, un nez aquilin et une démarche de conquistador. Personne ne connaissait son âge mais il affichait une petite cinquantaine. Adèle qui espérait être en tête-à-tête avec lui fut déçue de le voir accompagné. Il se dirigea aussitôt vers elle et la serra si fort dans ses bras que leurs deux bassins se touchèrent au point qu’Adèle perçut l’émotion qu’elle avait suscitée chez son interlocuteur pendant cette étreinte furtive. Le patron s’arracha de ce moment sensuel pour prendre la parole :
- J’avais hâte de féliciter la journaliste vedette de notre chaîne. Nous avons grâce à vous atteint des niveaux d’audience exceptionnels et écrasé nos rivaux de Canal Univers.
Nous allons analyser votre succès avec mes deux principaux collaborateurs que je vous présente : Olivier Duflan, mon directeur financier et Cédric Dorganov, le responsable des programmes pour tout le groupe.
Les deux hommes la saluèrent d’un geste. Ils portaient les mêmes costumes, des lunettes identiques et ressemblaient à des robots bien élevés.
Les présentations étant faites, le boss se dirigea vers son bureau et s’assit dans son fauteuil. Adèle chercha instinctivement une chaise mais il n’y en avait aucune et elle comprit que seul le boss était autorisé à s’asseoir. Il prit le temps de rédiger un SMS avant de daigner lever les yeux et de lancer :
- Olivier et Cédric, j’attends votre rapport.
Olivier prit la parole en premier :
- Nos recettes publicitaires ont connu une augmentation de 25 % par rapport à la même période de l’année dernière !
- Seulement 25 % ! s’exclama le patron.
Les événements tournaient mal. Alors qu’elle s’attendait à être fêtée, elle se retrouvait au garde-à-vous devant un mégalomane rafistolé entouré de deux larbins.
- Le triomphe a été trop imprévisible pour nous laisser le temps de revaloriser nos tarifs publicitaires car nous étions au dernier jour du procès. Il faudrait qu’Adèle renouvelle un coup d’éclat avant la décision de la commission pour stabiliser notre niveau d’audience.
- Qu’en pensez-vous Cédric ? demanda le patron.
- Je suis d’accord et j’ai déjà anticipé, répondit-il avec fierté, il faut une interview exclusive des candidats.
- Vous avez raison ! acquiesça le boss en tapant du poing sur son bureau.
Adèle était interloquée. Ces trois monstres banalisaient ses performances et lui en demandaient toujours plus. Dépitée elle prit la parole :
- Ce que vous envisagez est impossible à réaliser, les candidats sont anonymes et protégés par le secret du destin. Ils ne sont connus que des deux déesses de la vengeance qui ne sont pas identifiables ainsi que de Zeus et d’Hermès.
Deterville lui répondit d’un ton agressif :
- Il faut que vous compreniez qu’un exploit unique n’est qu’une anecdote et que les grands, quel que soit leur domaine, doivent renouveler sans cesse leurs performances.
Il s’arrêta et la fixa de son regard implacable avant de poursuivre :
- Sinon ils disparaissent !
Et il ajouta :
- Mais je comprendrais qu’à votre âge vous ayez envie de dormir sur vos lauriers ; j’y ai pensé et j’en ai parlé à Volga Ronova qui est prête à reprendre l’affaire.
Adèle s’accorda quelques secondes de réflexion. Il était hors de question qu’elle cède sa place à cette salope de Volga qui avait baisé tous les mecs du service pour devenir reporter titulaire et qui visait sa place. Elle n’avait pas le choix et elle accepta à contrecœur en jurant de se venger de cette humiliation.
Elle était rentrée chez elle la rage au ventre avec l’envie de tout casser et s’était précipitée sous la douche comme si elle pouvait laver l’affront qu’elle avait subi. L’eau bouillante qui dégoulinait sur son corps l’avait calmée en même temps qu’elle avait réveillé ses sens peu sollicités depuis sa mésaventure avec Narcisse. Elle avait donc téléphoné à Rafael. C’était un jeune stagiaire espagnol en même temps qu’une bombe sexuelle. Toutes les femmes de la rédaction étaient folles de lui mais lui n’avait d’yeux que pour Adèle malgré les vingt années qui les séparaient. Flattée, elle l’avait bien entendu remarqué et consentait à lui accorder quelques faveurs quand elle avait besoin de se détendre. Il était arrivé quelques minutes à peine après qu’elle l’avait appelé un peu comme s’il avait attendu derrière la porte qu’elle veuille bien lui faire signe. Après avoir accompli son devoir Rafael posa tendrement sa tête sur l’épaule de sa maîtresse, ce qui eut pour effet de l’exaspérer. Agacée elle s’écarta de lui. Il posa alors ce genre de questions qui brûle les lèvres de tous les amoureux :
- Dis-moi ce que je représente pour toi ?
Adèle était irritée par son attitude et ses yeux de merlan frit. Aussi prit-elle la précaution de lui demander :
- Tu veux vraiment le savoir ?
- Oui ! affirma-t-il.
- Eh bien, elle marqua un temps d’arrêt avant de poursuivre, eh bien je te considère comme un godemichet à pattes.
Rafael désarçonné et humilié s’habilla aussi vite qu’il s’était déshabillé et s’enfuit en claquant la porte. Adèle poussa un « ouf » de soulagement peu charitable avant de se consacrer au défi qui lui était lancé.
Elle avait enfilé sa tenue de combat, un vieux jogging tout déformé, préparé une tasse de thé avec du miel et s’était enfermée dans sa chambre. Elle avait besoin de cet environnement resserré pour se replier sur elle-même et atteindre le maximum de sa concentration. Elle employait toujours la même méthode pour résoudre un problème : définir la problématique et trouver les solutions. Rituellement elle s’asseyait à la petite table de travail Louis XVI de sa chambre et sortait un cahier d’écolier et un crayon de papier de son unique tiroir. Puis elle y consignait ses réflexions.
La problématique était assez facile à définir :
- Elle devait interviewer ces trois candidats pour conserver son statut de star des médias mais elle ignorait leur nom. Tout juste savait-elle qu’ils résidaient dans une maison de retraite sur la planète Terre.
- Les seuls à détenir ces renseignements étaient les dieux Hermès et Zeus qui étaient tenus au secret.
La solution était aussi évidente, corrompre un des deux dieux, mais comment alors qu’il s’agissait de deux des êtres les plus puissants de l’univers ? Adèle se trouvait ce soir dans une impasse. Écœurée, elle posa ses lunettes, éteignit sa lampe de bureau et éclusa une bouteille de Champagne avant de s’endormir.
Le réveil qui suivit était encore embrumé par les vapeurs d’alcool mais la solution lui était apparue comme une évidence ; un petit avion avait tourbillonné toute la nuit dans sa tête en tirant une banderole publicitaire sur laquelle il était inscrit : la seule solution est le sexe !
C’était le meilleur moyen de convaincre un dieu. Un peu de ménage, un Doliprane et une bonne douche plus tard, Adèle se concentrait sur son problème. Elle n’avait pas très envie de se sacrifier à nouveau en acceptant les avances de Zeus.
Restait Hermès, mais il était homosexuel. À qui pouvait-elle confier une « tâche » aussi délicate ? La solution s’imposa dans l’après-midi : Virgile ce très mignon jeune caméraman intérimaire qui lui avait été très chaudement recommandé par Max, le directeur homosexuel de l’agence d’intérim des médias qui devait être son amant.
Adèle n’avait pas perdu de temps. Elle avait organisé une interview avec Hermès trois jours plus tard et téléphoné aussitôt à Virgile. Elle n’avait pas pris de gants et ne lui avait pas laissé le temps de respirer. Il avait très rapidement compris qu’il devait séduire Hermès pour lui soutirer les noms et les adresses des candidats. Il avait bien tenté de se rebeller en disant « qu’il n’était pas une pute » mais elle lui avait immédiatement rétorqué « non mais tu veux continuer à travailler ! » Il avait compris qu’il n’avait pas le choix. Elle lui avait donné rendez-vous le lendemain de la rencontre dans un café de la capitale. Il était arrivé l‘air penaud et Adèle avait immédiatement compris que sa mission avait échoué. Il s’était assis avec difficulté à la table. Sans le saluer elle l’avait apostrophé :
- Alors ?
- Rien, avait-il répondu, avant de poursuivre :
- Il a refusé de me donner la moindre indication. C’est le secret le mieux gardé de l’univers. Les enveloppes contenant les informations sont dans le coffre-fort de Zeus.
Il s’interrompit en apercevant le visage d’Adèle qui fulminait. Il essaya de se justifier :
- J’ai fait tout ce que j’ai pu et il en a profité.
Et ajouta, dépité :
- En plus il avait pris du Viagra !
Il pensa qu’elle compatirait mais elle avait déjà quitté la table quand il osa lever son regard.
Zeus se prélassait dans sa piscine quand on vint lui annoncer la visite d’Adèle. Il ordonna à son serviteur :
- Fais attendre cette pimbêche pendant que je réfléchis !
Que voulait cette femme qui avait décliné ses faveurs et pourquoi débarquait-elle au palais sans prendre de rendez-vous ? Il en conclut qu’elle avait besoin de lui accepta.
Adèle fut décontenancée d’être conduite par le majordome dans la piscine mais Zeus avait choisi son terrain de négociation. Il l’accueillit bruyamment :
- Quel plaisir, une visite de la Denon !
Puis plus sérieusement :
- Quel est l’objet de votre visite ?
Adèle était mal à l’aise dans ce contexte inhabituel. Zeus était nu dans l’eau de la piscine et elle debout sur le bord en talons et tailleur :
- J’ai une requête à vous présenter.
Zeus goguenard contemplait par en dessous cette femme habituellement si orgueilleuse. Il lui ferait payer au prix fort le service qu’elle allait lui demander.
- Eh bien installons-nous pour en discuter.
Et il sortit nu de l’eau, indiquant d’un geste un salon en osier. Adèle était estomaquée. Il évoluait sans se préoccuper de sa nudité et semblait bien au contraire fier d’afficher son corps. Il s’était installé à moitié allongé dans un fauteuil et guettait l’effet qu’il produisait sur son interlocutrice. Adèle détestait son arrogance mais devait surmonter sa répulsion pour arriver à ses fins.
- Alors ?
Adèle savait qu’il était inutile de tergiverser :
- Je voudrais interviewer les trois candidats.
- Impossible, s’exclama Zeus, leur identité est un secret dont j’ai la garde !
- Rien n’est impossible au plus grand des dieux, répliqua-t-elle.
- Peut-être, répondit Zeus, flatté de la remarque, mais qu’ai-je à y gagner ?
- Moi !
Zeus la regarda perplexe et incrédule. Bien entendu il rêvait de cette femme si raffinée et attirante qui n’avait cessé de l’éconduire. Mais en même temps il se méfiait d’elle. Il prit quelques secondes de réflexion en la scrutant pour découvrir son stratagème. Pendant ce temps, Adèle croisait et décroisait ses jambes pour aiguiser ce désir qui commençait à se manifester de manière très visible. Il rompit le pesant silence :
- D’accord.
Adèle afficha un grand sourire avant de déchanter :
- Oui mais ce secret est trop précieux pour le prix que vous me proposez. Voilà ce que j’exige :
- Au premier rapport sexuel, je précise complet, ajouta-t-il avec un air libidineux, je vous indique le pays.
- Au second je vous précise la région.
- Au troisième le département.
- Au quatrième la ville.
- Et enfin leurs noms au cinquième.
Elle était le dos au mur. Un instant elle pensa tout laisser tomber mais il y avait le crédit de l’appartement, le regard des autres et sa réussite qui lui collait à la peau. Alors elle dit oui. Zeus tout guilleret en profita aussitôt :
- Eh bien commençons le premier tour tout de suite. Le pays est la France !
Viens et enlève ta jupe.
Le second rendez-vous était fixé dans un hôtel pour voyageurs. Il était destiné aux petits dieux fauchés. Zeus l’avait choisi par souci de discrétion. Il était en retard et Adèle avait découvert la chambre avec dégoût. Un dessus de lit qui sentait la fumée de cigarette, des tapisseries défraîchies et une moquette tachée. Il n’avait même pas essayé de préserver les apparences. Il était là pour la baiser et peu importait le décor. Mais Adèle se sentait salie par cette situation. La vérité s’imposait avec ses traits creusés et son teint blafard ; il la prenait pour une pute. Alors sa carrière valait-elle qu’elle vende son âme ? Elle avait 52 ans, la roue avait tourné lentement mais irrémédiablement et elle n’apercevait que de la poussière quand elle se retournait vers son passé. Pas d’enfant, même pas un compagnon. Ce soir, dans cette chambre minable, tout remontait comme une envie de vomir. Alors le mot s’imposa sans qu’elle ait réfléchi comme s’il était venu des entrailles de son cerveau. Elle dit « Basta » ramassa ses affaires et quitta la chambre.




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