Le rêve d'un rêve. Chapitre 21 : La victoire d'un rêve
- StanislasMleski
- 13 oct. 2023
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Odin avait convoqué ses deux conseillères privilégiées, Frigg et Freya pour recueillir leur avis sur la situation. Freya était de mauvaise humeur d’avoir été dérangée pendant l'entraînement de ses guerrières et lui avait jeté :
- J’espère que tu m’as appelée pour une bonne raison !
- Oui, répondit Odin, la situation est grave. Les prêtres m’ont informé que les présages indiquaient que les géants de glace se réveillaient et que l’heure du ragnarok se rapprochait alors que la mission de Brunnehilde et de Gudrun s’enlise et qu’elles sont incapables de ramener l’âme de cet humain qui fabriquera les armes qui nous donneront la victoire.
Frigg qui observe les hommes de son siège magique Hlidskialf ajouta :
- Il possède un tube magique avec lequel il a détruit un bateau grand comme au moins 15 drakkars .
Le bouillant Odin tapa du poing sur la table qui se brisa sous le choc en vociférant :
- Il nous faut cet homme.
Freya les observait attentivement. Le roi des dieux qui dévorait de la nourriture quand il était angoissé avait pris du poids et était devenu bouffi ce qui altérait sa majesté. Quant à Frigg elle était de plus en plus ridée et commençait à ressembler à une vieille femme. Les grands dieux étaient fatigués.
Elle prit la parole :
- Je ne comprends pas qu’il ne soit toujours pas au walhalla car vous nous avez annoncé il y a quelques semaines qu’elles l’avaient repéré et qu’il était entre leurs mains .
Frigg lui expliqua :
- La situation est particulièrement complexe pour plusieurs raisons. La première est que le fondement du walhalla repose sur l’adhésion de ses habitants qui ont espéré toute leur vie le rejoindre ; Ce sont des guerriers ...
- Ou des guerrières, précisa Freya
- Ou des guerrières, reprit Frigg, qui ont se sont battus toute leur vie et qui considèrent comme un ultime honneur d’être à nos côtés le jour du combat final.
Mais lui c’est un savant qui refuse de venir et même qui nous méprise. Alors à quoi servirait d’accueillir une âme qui refuserait de collaborer ?
- On trouvera un moyen de le convaincre vociféra Odin
Il y a un autre problème ajouta t’elle :
- Nos deux walkyries ont été neutralisées par un philtre maléfique
- Quoi ! s’exclama Freya
- Elles sont empoisonnées par un rêve d’amour.
- L’amour, c’est quoi ? interrogea la déesse
- C’est une maladie qui touche les humains !
Odin les interrompit avec autorité :
- J’en ai marre, je demande à la Walkyrie Geirdriful de ramener ce type au walhalla.
Le docteur Carbonelo était désormais habitué. Il savait qu’il allait diagnostiquer une nouvelle grossesse quand il apercevait la troupe attendant l’ouverture de son cabinet . Ce fut d’abord cette espagnole d’âge mûr puis quelques jours plus tard cette femme plus jeune qui s’appelait Estela.
Il gérait cette situation avec le recul du vieux médecin revenu de tout et se gardait de commenter si ce n’est cette réflexion qui lui échappa :
- Les spermatozoïdes sont en pleine forme dans votre maison !
La jeune femme éclata de rire :
- Ne vous inquiétez pas, je suis la dernière en âge d’être fécondée.
Le médecin sourit et répondit qu’il perdrait une partie de la clientèle qui lui restait.
On ne parlait plus que de bébés et de grossesse à la maison qui était envahie de berceaux, de tables à langer et d’autres articles. Luana qui était la seule à avoir connu une maternité était la référence vers laquelle toutes se tournaient à la moindre inquiétude en même temps qu’elle tentait d’organiser ce joyeux tohu bohu. Les cinq femmes ne se quittaient plus absorbées par la merveilleuse aventure de la maternité et avaient décidé de créer dans la maison un espace dans lequel tous les bébés seraient élevés ensemble pour développer leur sens de la fraternité.
Quant aux hommes, ils se sentaient quelque peu délaissés et boudaient ensemble dans leur coin.
Les deux sœurs continuaient à chasser malgré leur grossesse. Leurs amoureux avaient tenté en vain de les dissuader mais elles prétendaient que cet exercice était vital pour elles. Tout au plus avaient-elles accepté de ne plus courir et d’éviter de porter les sangliers abattus sur leurs épaules que les garçons récupéraient désormais en voiture.
Elles étaient parties comme d’habitude chasser dans une forêt de chênes lièges à proximité de la maison. C’était une belle matinée de septembre. La lumière était tamisée par une légère brume et la terre humide recouverte de mousse et de feuilles.
Soudain un bruit de pas les alerta. Elles se dissimulèrent spontanément dans des buissons chacune d’un côté de la route et bandèrent leur arc. Quelques instants plus tard, elles aperçurent leur sœur Geirdriful qui avançait avec prudence sur le chemin forestier armée de son javelot qu’elle portait le bras relevé en position d’attaque. C’était une des rares walkyries qui préférait la lance à l’arc et qui était réputée pour manier cette arme avec une précision et une puissance inégalables.
Elles sortirent joyeusement de leur cachette pour la saluer. Les trois déesses tombèrent dans les bras l’une de l’autre et entamèrent une conversation par les banalités habituelles.
Brunnehilde lui demanda de ses nouvelles et elle répondit bien entendu que tout allait pour le mieux. Gudrun l’interrogea sur la situation au walhalla.
Elle leur répondit que les dieux étaient inquiets et alla droit au but :
- Odin et les grands dieux m’ont demandé de capturer cet humain que vous refusez d’envoyer à Asgard.
- Mais, répondit Brunnehilde, l’élévation au walhalla repose sur la volonté de nos guerriers de nous rejoindre alors que lui refuse !
- Je sais rétorqua-t-elle, tout comme j’ai appris que vous avez été empoisonnées par un espèce de sentiment qui vous inhibe. Odin m'a ordonné de ramener son âme qu’il le veuille ou non.
Brunnehilde se plaça sur son chemin affirmant qu’elle s’y opposerait . L’autre répondit que rien ne pouvait l’empêcher d’exécuter sa mission .
A partir de cet instant l’affrontement devenait inévitable Elles avaient toutes les trois pris leur regard de glace. Geirdriful avait l’avantage en combat rapproché avec son javelot car elles n’avaient le temps ni l’une ni l’autre d’armer leur arc. Instinctivement les deux sœurs s’étaient écartées pour éviter de former une seule cible. Brunnehilde se tenait en face d’elle et la fixait dans les yeux pour tenter d’anticiper son tir. Elle savait qu’elle viserait le cœur. C’est un éclair dans le regard de son adversaire qui lui apprit qu’elle lancerait son javelot dans quelques millièmes de secondes ce qui lui permit d’éviter la blessure fatale par un mouvement du buste vers la droite. L’arme lui entailla le bras et se planta dans un tronc d’arbre mais elle s’affaissa sous l’effet de la douleur. Geirdriful se retourna pour se précipiter sur Gudrun son poignard à la main mais celle-ci qui avait eu le temps de bander son arc la transperça d’une flèche avant de s’effondrer en larmes après avoir pris conscience qu’elle venait de commettre un acte impensable. Une walkyrie avait tué une autre walkyrie ce qui n’était jamais arrivé depuis la nuit des temps dans l’histoire du walhalla.
Brunnehilde l’interrompit brutalement :
- Arrête de te lamenter, c’est elle qui a voulu nous tuer et viens m’aider.
Elle oublia ses remords en voyant le sang couler de la blessure de sa sœur. Le javelot avait largement entamé la chair du bras un peu en dessous de l’épaule. Elle l’aida à se relever et à parcourir la centaine de mètres qui les séparait de la maison.
Elle était couverte de sang en arrivant. Maurice qui fut le premier à l’apercevoir hurla que Brunnehilde était blessée, Tout le monde accourut et Stanford s’ évanouit d’émotion en voyant l’état de son amoureuse si bien que Luana s’occupa de la blessée pendant que Guadalupe réanimait son compagnon. La blessure était profonde et continuait à saigner malgré le pansement apposé par la maîtresse de maison et ils s’engouffrèrent dans les voitures pour se ruer chez le docteur Carbonelo.
Celui-ci tira les rideaux en entendant des crissements de pneu et vit les deux voitures s’arrêter brutalement devant son cabinet dans un nuage de poussière. Quelques secondes plus tard, la troupe déboula dans son cabinet en soutenant une des deux géantes qui saignait abondamment du bras gauche. Ils étaient tous si excités et paniqués qu'il fit preuve d’autorité en hurlant que c’était lui le médecin et qu’ils devaient tous se calmer et se taire pour qu’il puisse examiner sereinement sa patiente.
Il invita Brunnehilde à s’allonger, examina sa blessure attentivement pour conclure qu’elle était plus spectaculaire que grave car le muscle n’était pas endommagé, ajoutant qu’il devait suturer la plaie. Puis il la regarda dans les yeux pour préciser qu’il n’avait pas d’anesthésiant ce qui rendrait l’intervention pénible et lui demanda si elle ne préférait pas se rendre à l’hôpital de Faro. Elle lui répondit calmement qu’elle ne craignait pas la douleur.
Le médecin la soigna sans la moindre plainte de sa part ce qui ne lui était jamais arrivé de toute sa carrière et l’interpella encore un peu plus sur la nature du personnage. Son opération terminée, il se hasarda à l’interroger sur les circonstances qui avaient occasionné une telle blessure et elle lui répondit laconiquement qu’elle ne savait pas et qu’il devait s’agir d’une balle ou d’une flèche perdue. Il ne la crut pas un seul instant mais se garda d’insister.
L’âme et le cadavre de Geirdriful firent irruption comme une fusée dans la salle où s’étaient réunis les grands dieux. Elle était grise, couverte de terre et son corps était traversé d’une flèche. Les dieux n’arrivaient pas à réaliser ce qui s’était passé. Elle leur déclara la mine piteuse :
- J’ai échoué, Gudrun m’a tuée...
Une sorte de torpeur les envahit car le meurtre d’une déesse du Walhalla par une autre walkyrie ne faisait pas partie de leur paradigme. Ils restèrent sidérés pendant de longues minutes car leur cerveau rejetait ce scénario jusqu’à ce qu’Odin n’ émerge pour déclarer que cet évènement était le présage des catastrophes qui les attendaient et qu’il réunirait d’urgence son conseil privé .
Puis s’adressant à Geirdriful :
- Ton existence de walkyrie se termine avec ta mort mais tu as agi comme une brave et c’est la raison pour laquelle je ne t’envoie pas en enfer mais que je t’autorise à rejoindre les guerrières de Freya.
Les membres du conseil privé étaient tous arrivés immédiatement. Il y avait Thor, Freya, Frigg et bien entendu Odin. Ils étaient consternés et craignaient pour leur avenir.
Odin prit la parole :
- Je suis comme vous bouleversé par cette violation de notre loi fondamentale mais je persiste à considérer qu’il faut capturer ce Stanford !
- Même s’il ne veut pas collaborer ? objecta Frigg
Thor s’exclama :
- Et bien nous le forcerons s’il refuse !
Frigg qu’il agaçait par ses réflexions idiotes lui demanda :
- Et comment comptes tu t’y prendre ?
Bien entendu il resta sans réponse mais Freya vint à son secours :
- J’ai réfléchi depuis notre dernière conversation et je pense que ce type est un homme comme les autres, donnes le moi , je lui offrirai les plus belles de mes guerrières et il deviendra en quelques semaines le plus docile de nos collaborateurs
- Tu as raison ! déclara Odin en tapant du poing sur la table. Il faut le ramener mais aussi tuer Brunnehilde et Gudrun pour les punir de leur trahison.
- Je m’en charge, déclara Thor, dans quelques jours je vous ramène l’humain au bazooka et les cadavres des deux félonnes.
- Qu’il en soit ainsi ordonna Odin .
Stanford veillait sur Brunnehilde qui semblait très affectée par cet accident. Elle avait refusé d’en dire plus qu’au médecin mais s’en entretenait souvent avec sa sœur dès qu’elles pouvaient en parler discrètement. Elles étaient inquiètes des conséquences de leur geste et pensaient que les dieux chercheraient à se venger de cette violation de la règle fondatrice et craignaient les répercussions qui pouvaient en découler pour leur merveilleuse colonie.
Ce jour funeste intervint le surlendemain. Stanford travaillait quand il entendit un hurlement déchirant de Brunnehilde provenant de la terrasse. Il dévala les escaliers pour tomber sur le corps sans vie de Gudrun qui gisait sur le sol le crâne fracassé. Berkeley était déjà arrivé et s’était agenouillé à côté d’elle en lui prenant la main, muet de douleur. Il regarda Brunnehilde pour comprendre ce qui se passait :
- C’est Thor, il est venu pour nous punir toutes les deux d’avoir désobéi à nos dieux et pour capturer l’âme de Stanford.
Puis se tournant vers son amoureux :
- Moi je ne peux pas lui échapper mais toi peut être en fuyant te cacher dans la forêt.
- Certainement pas répondit Stanford qui bondit dans son appartement pour réapparaître quelques secondes plus tard armé de son bazooka.
Son amoureuse le supplia de disparaître mais il lui rétorqua qu’on n’abandonnait pas un rêve et demanda :
- Où est il ton Thor ?
Il se cache derrière les nuages et attend le moment propice pour fondre sur sa victime et l’écraser avec son marteau magique. Il se croit invincible et apparaît quelques secondes pour se faire reconnaître avant de s’élancer et de propulser son arme terrifiante.
A peine avait ’elle prononcé ces phrases que la silhouette d’un géant monstrueux obscurcit le ciel et qu’un vent de tempête leur apporta les paroles de vengeance du dieu .
Mais Stanford avait conservé son sang-froid . Il avait réglé son laser à sa puissance maximale, visé calmement le géant et appuyé sur la mise à feu au moment où celui-ci brandissait son arme. Un éclair sortit du bazooka, traversa le ciel et atteint le dieu qui explosa comme un nuage radioactif pendant que son marteau remontait à la vitesse de l’éclair vers un autre univers.
Chacun se regarda rassuré en même temps que la tristesse tomba sur la colonie. Tous tentaient de conserver leur dignité malgré leur envie de hurler leur douleur. Berkeley était blême, le visage inondé de larmes et demanda qu’on l’aide à porter le cadavre de Gudrun dans sa chambre et qu’on le laisse seul avec elle. La nuit qui suivit fut traversée par ses cris déchirants et les pleurs des autres. Personne ne dormit car tous veillèrent l’âme de la walkyrie.
A l’aube Brunnehilde se réfugia dans les bras de son amoureux pour lui dire qu’elle n’avait plus que lui puisque sa sœur était morte et que ses dieux l’avaient reniée .Stanford la serra très fort dans ses bras.
Berkeley descendit de sa chambre en milieu de matinée, traversa le rez-de -chaussée sans saluer personne, absorbé par ses pensées pour se rendre dans l’atelier. Des bruits de marteau et de sciage s’échappèrent de la remise jusqu’au début de l'après-midi sans que personne n’ose le déranger. Il en sortit avec une hache pour prendre la direction de la forêt suivi par Brunnehilde qui avait compris ce qu’il faisait. Une fois de plus personne ne posa de questions. Ils réapparurent longtemps après chargés de fagots qu'ils disposèrent en bûcher.
Berkeley prit enfin la parole :
- J’ai décidé que Gudrun aurait les funérailles des reines viking. Elles sont incinérées sur leur bateau, elle le sera sur la terre qu’elle aimait.
Il se rendit dans la remise, en sortit avec le cercueil en bois sans couvercle qu’il avait fabriqué et se rendit avec Brunnehilde dans la chambre funéraire dont ils descendirent le corps de Gudrun enveloppé dans un linceul et placé dans le cercueil. Ils le posèrent sur le bûcher et invitèrent leurs amis à les rejoindre .
La nuit tombait. Il alluma le feu et ils constituèrent une chaîne humaine pour accompagner l’âme de Gudrun dans son voyage vers l’infini
Berkeley récupéra les cendres dans le cercueil carbonisé quand le feu fut éteint et les glissa dans une urne à l’aide d’une cuillère. Il la scella avec de la cire et la souleva à bouts de bras en s’adressant à la communauté :
- Gudrun a disparu mais pas mon rêve d’elle et elle restera toujours à nos côtés pour accompagner notre aventure.
Une deuxième urne fut installée à table et il en fut ainsi tous les jours qui suivirent.
Odin, Frigg et Freya étaient confortablement installés dans le grand salon du palais et dégustaient de l’hydromel en attendant le retour de Thor accompagné de l’âme de Stanford.
Freya décrivait les délices qu’elle avait préparés pour corrompre l’humain .
Elle avait sélectionné les dix plus belles et sensuelles de ses guerrières et leur avait confié la mission de le séduire. Elle avait tout prévu dans les moindres détails. Elle le prenait en charge dès son arrivée pour l’emmener dans son palais où l’attendait une piscine parfumée dans laquelle il prendrait un bain avec les dix séductrices qui exploreraient chaque cm2 de son corps de leurs vingt mains expertes .
Elle abordait les raffinements suivants quand elle fut interrompue par un bruit venu des fondations d’Asgard. Un objet remontait vers eux dans un fracas terrifiant, explosa le plancher du salon, démolit le plafond et retomba inerte et incandescent aux pieds d’Odin. C’était Mjolnir le marteau magique de Thor qui avait été fabriqué par les nains Sindri et Brokk qui avait permis au dieu d’anéantir les ancêtres des géants du givre et des montagnes qui menaçaient le Walhalla
Odin s’effondra. Thor n’avait jamais abandonné son arme ce qui signifiait que l’humain l’avait tué et que sans son dieu de la guerre son peuple avait perdu tout espoir de remporter le combat final. Il se leva difficilement, écrasé par le poids de tant de siècles de pouvoir, et déclara tristement :
- Et maintenant préparons-nous à mourir en guerriers !
Et Frigg ajouta avec amertume :
- Comment expliquerons nous à l’histoire que la civilisation la plus belliqueuse de l’ univers a été vaincue par un rêve !
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