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Tisiphone est amoureuse. Chapitre 15 : Le jour d’après

  • StanislasMleski
  • 26 mai 2021
  • 14 min de lecture

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Tisiphone était restée médusée pendant plusieurs minutes après le résultat du délibéré. Alecto qui connaissait les réactions de sa sœur la surveillait comme le lait sur le feu. Un sifflement caractéristique annonça l’orage. Ses griffes traversaient la peau de son enveloppe charnelle et ses serpents rampaient entre ses cheveux. Elle prit le premier objet à proximité, une chaise, et la lança au travers de la vitre avec une telle violence qu’elle se planta dans la carrosserie du car des CRS en faction au fond du parking de l’EHPAD. Alecto s’interposa quand elle saisit le fauteuil :


- Arrête de te comporter comme une gamine, la décision a été rendue et il faut l’accepter.

- Je n’abandonnerai jamais mon Jean, répliqua sa sœur d’un air déterminé.

- Mais tu ne peux plus rien faire, le jugement est rendu et immédiatement exécutoire. Ton Jean, comme tu l’appelles, mourra dans quelques mois sans être vengé.

- On verra ça, murmura Tisiphone.

- Ne dis pas de bêtises, tu sais bien que nous ne pouvons pas choisir nos vengeances qui sont régies par les lois d’airain de l’univers, répondit sa sœur.

Puis elle changea aussitôt de sujet et lui glissa :

-

Réintègre ton déguisement humain et va te détendre dehors, j’aperçois tes jouets préférés, un car de CRS.


Le CRS de service au standard de la salle de commandement n’arrivait pas à contenir son fou rire malgré le regard réprobateur de ses collègues. Excédé, l’adjudant Ricori lui ordonna de se calmer et de s’expliquer. Le CRS répondit après avoir essuyé ses larmes :


- C’est à cause de Riton qui prétend que lui et ses hommes ont été attaqués par des terroristes.

- Et vous rigolez ! tonna le chef.

- Oui parce qu’il prétend... et il éclata à nouveau de rire avant de reprendre :

- Il prétend qu’ils ont reçu un projectile.

- Et alors, tout ça est cohérent, reprit méchamment l’adjudant.

- Oui chef, mais il dit que le projectile est une chaise dont les pieds se sont fichés dans la carrosserie du car !

Un silence de quelques secondes suivit cette déclaration avant que les CRS présents dans la pièce n’éclatent d’un rire généralisé.

L’adjudant Ricori conclut :


- Leurs terroristes doivent s’appeler Picon bière et sont sans doute très nombreux !

Et il ajouta, philosophe :

- Ah les traditions...



Le brigadier avait ordonné à ses hommes d’endosser leur armure de combat et de se placer en formation défensive autour du véhicule. Auparavant il leur avait tenu un discours solennel :


- Nous devons tenir notre position avant que le commandement nous envoie des renforts. Certains d’entre nous y laisseront peut-être leur vie mais leur sacrifice permettra de stopper une invasion terroriste d’un nouveau genre. Ils nous ont déjà bombardés avec une chaise, ils vont peut-être nous agresser avec des cure-dents.

Ce discours les avait d’autant plus galvanisés que chacun pensait qu’il échapperait au danger et que le sacrifié serait un collègue. Le parking était désert. Ils scrutaient avec intensité la porte de l’EHPAD imaginant qu’une horde féroce d’ennemis s’apprêtait à en surgir quand les haut-parleurs de l’établissement se mirent à crachoter la mélodie de « Il était une fois dans l’Ouest ». La porte s’ouvrit tout doucement pour laisser apparaître Yvonne impeccablement déguisée en Mamie Nova. Elle s’adossa contre le mur en les toisant du regard en attendant que la musique se termine puis elle se dirigea lentement vers eux. L’un des CRS interpella son supérieur :


- Mais chef, c’est une vieille qui a au moins quatre-vingts ans.

- Ferme-la, lui répondit l’adjudant, les vieilles sont les plus dangereuses car elles ont de l’expérience.

Il réfléchit quelques secondes avant de hurler :


- En position de combat et en avant !

Ils s’ébranlèrent en tapant sur leur bouclier comme un gorille se frappe la poitrine pour intimider ses adversaires, ce qui ne dissuada pas Yvonne qui avançait calmement vers eux.

Ses adversaires méfiants s’étaient arrêtés mais elle poursuivait sa progression. Elle stoppa à environ trois mètres du groupe et les défia du regard.

Puis elle remonta sa robe exécuta quelques cabrioles et sauts périlleux à la Bruce Lee pour acquérir de la vitesse et fondre sur ses adversaires. Elle assomma les deux premiers d’un coup de pied sauté direct, abattit le troisième d’un coup de coude, le quatrième d’un coup de pied talon vers le haut, le cinquième du tranchant de la main et termina avec Riton en lui assénant un coup de poing marteau.

Pour terminer le travail, elle les attacha les uns aux autres avec leurs menottes et jeta leurs armures, et leurs armes dans la rivière qui coulait le long du parking.

Les CRS avaient repris leurs esprits sans vraiment comprendre ce qui se passait. Riton, le chef, lui ordonna avec véhémence de les relâcher. Yvonne lui répondit en souriant :


- Je crois que vous êtes mal placé pour donner des ordres. J’ai décidé de m’amuser encore un peu et je vais vous ramener à pied à la caserne.

- Pas avec les menottes, supplia l’adjudant.

- Ce sera plus rigolo, reprit Yvonne avec un sourire sadique.

- Je ne me lèverai pas ! répliqua fermement le chef.

- Si, si mon Riton, murmura Yvonne en le tirant par les cheveux pour le relever.


Le flic de garde à l’entrée de la caserne se pinça pour être certain de ne pas rêver : six collègues menottés étaient conduits par une mamie qui tirait Riton. Ils étaient suivis par une foule de badauds qui les accablaient de quolibets.

Après avoir acquis la certitude que l’improbable était arrivé, il se précipita dans la cour pour hurler vers la salle de commandement :


- Chef, chef, six de nos collègues ont été capturés par une vieille, ils regagnent la caserne.



L’adjudant Ricori qui avait entendu ses cris s’esclaffa :

- Encore un qui a abusé du Picon mais celui-là a en plus fumé de la « beuh » en buvant !


Alecto était soulagée car sa sœur était revenue plus détendue :


- Je suis contente que tu ailles mieux.

- Oui tu avais raison, répondit Tisiphone, rien n’est comparable au sport pour se détendre.

L’autre déesse poussa un soupir de soulagement, ce qui conduisit sa sœur à ajouter :


- Mais je n’abandonnerai jamais Jean !


Adèle était partie depuis déjà une semaine et Bernard était sans nouvelles d’elle. Il avait bien pensé lui envoyer un SMS mais s’était ravisé par crainte de la déranger. Une star comme elle devait être terriblement sollicitée.

En début de semaine, il avait quitté un peu plus tôt le commissariat pour se rendre chez Roland son banquier. Ils se connaissaient depuis les bancs de l’école primaire et avaient tous les deux fait carrière à Morbach. Roland était entré dans son agence comme caissier et en était aujourd’hui le directeur, Bernard avait débuté comme simple flic et était aujourd’hui l’inspecteur de son commissariat. Leur trajectoire parallèle les avait rapprochés dans une forme de fraternité locale. Ils ne se voyaient pas souvent mais ils s’étaient rendu de gros services quand l’un ou l’autre avait été en difficulté. Il y a vingt ans Roland avait fermé les yeux sur les découverts non autorisés de Bernard qui peinait à payer les traites de sa maison et l’inspecteur avait étouffé l’affaire quand Roland avait été contrôlé en état d’ivresse au volant de sa voiture.

Le banquier l’avait accueilli chaleureusement et l’avait conduit dans son bureau où il lui avait offert un verre de Scotch. Pas du Picon bière, la boisson des employés, non, du whisky, l’apéro des patrons. Comme tous ceux pour lesquels le luxe n’est pas naturel il avait besoin de préciser :


- Huit ans d’âge, soixante euros chez Cora !

Il avait servi le précieux breuvage avec affectation avant d’engager la conversation :


- Que me vaut le plaisir de ta visite ?

- Je voudrais savoir exactement combien j’ai d’économies, expliquait Bernard.

Roland se pencha sur son ordinateur et égrena :


- 2 645 euros sur ton compte courant, 18 750 sur ton livret A et 8 312 d’assurance-vie, soit un total de 29 707 euros.

- Je ne sais pas si ça suffira, murmura Bernard.

- Mais c’est pour quoi ?

- Pour refaire ma maison, répondit-il.

- Mais c’est une grosse somme pour des travaux, reprit le banquier.


Bernard savait que tout le patelin serait au courant s’il répondait aux interrogations de son pote mais il avait tellement envie de laisser éclater son bonheur qu’il se lâcha :


- Je restaure la maison parce que je vais refaire ma vie.

- C’est formidable et qui est l’heureuse élue ?

- Je préfère ne pas te répondre par souci de discrétion mais pour moi c’est une princesse.

- Eh bien tu as l’air bien accroché, remarqua son banquier, ajoutant :

- J’espère que tu es sûr de toi parce que tu vas dépenser les économies de toute une vie.

- Quand tu la verras tu comprendras qu’on ne peut pas rater une telle occasion, conclut Bernard.



Le triomphe d’Adèle était complet. Elle avait été élue journaliste de l’année, Ziconziva avait été virée et avait regagné sa tribu d’aliens et sa nouvelle chaîne avait dépassé Galaxy One et engrangé d’énormes recettes publicitaires. Son ancien rédacteur en chef avait été licencié et était en prison pour des abus de biens sociaux. Ce soir elle était invitée au banquet des dieux.

L’Olympe avait allumé tous ses feux pour l’accueillir. Une nuée de journalistes et de photographes l’attendaient au pied des marches qui menaient à la grande salle des banquets. et le crépitement des flashs l’enivrait de gloire. Elle était encore éblouie quand elle parvint à l’entrée de la salle et qu’elle aperçut Zeus qui lui faisait l’insigne honneur de se lever pour l’accueillir et la conduire à sa place. Elle était placée à la gauche de Zeus mais l’autre siège à côté d’elle était vide. Adèle, surprise ne se permit pas d’en demander la raison à son royal voisin. La réponse lui parvint quelques minutes plus tard. Un homme, manifestement mal voyant et avec les yeux bandés se présentait à l’entrée du banquet.

Zeus l’apostropha :


- Narcisse, viens par ici, tu es assis à côté d’Adèle !

Et il fit un signe à un serviteur qui le conduisit à sa place ;

Adèle inquiète, lui demanda ce qui lui était arrivé. Narcisse répondit avec un sourire éblouissant :

- Rien du tout, c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour éviter de m’admirer. J’étais tellement déçu de l’échec de notre dernière rencontre que j’ai inventé ce subterfuge quand j’ai appris que tu venais ce soir.

- Merci, répondit Adèle flattée.


Le dîner débuta par une somptueuse entrée d’œufs de Golovog de la planète glacée sur un lit d’herbes roses.


Narcisse qui adorait ce plat s’était penché vers Adèle pour lui murmurer :


- Je ressens beaucoup plus les saveurs quand je suis privé de la vue, ajoutant instantanément :

- D’ailleurs ton odeur corporelle m’affole.

Et joignant le geste à la parole il lui caressa furtivement la cuisse. Adèle conserva sa maîtrise pendant que Narcisse lui glissait avec humour :


- On a besoin de toucher quand on est aveugle !

Adèle était séduite. Les longs doigts de son voisin s’enhardissaient de plus en plus et passaient discrètement sous sa jupe jusqu’à frôler son sexe.


Impressionnée par l’audace de Narcisse et excitée par cette situation incongrue, elle ne suivait plus la conversation des autres convives, trop concentrée sur les caresses de son voisin. Le clic d’un texto la ramena à la réalité. C’était Bernard qui prenait de ses nouvelles. Elle lui répondit par un message d’attente automatique du genre « Je te rappellerai plus tard. »

Leur manège avait échappé à presque tous les autres convives enivrés d’hydromel mais pas à Aphrodite. Cette experte dans les jeux de l’amour avait remarqué le comportement de Narcisse, ce qui l’avait rendue folle de jalousie. Elle était pourtant entourée par ses deux amants, Apollon et Arès, mais elle ne supportait pas qu’un de ses anciens amoureux soit accaparé par une autre. Bien qu’elle ait entretenu avec Narcisse une courte liaison qu’elle avait interrompue car elle s’ennuyait avec lui, elle considérait que tous les hommes qui avaient partagé sa couche lui appartenaient.

La soirée dérapait peu à peu vers une ambiance équivoque. Des couples s’étaient formés depuis qu’Héra s’était retirée. La plupart des bougies avaient été éteintes, les conversations avaient cessé et le silence n’était troublé que par les gémissements des amoureux. Adèle qui était malgré tout gênée de cette situation inédite pour elle, avait bloqué la main de Narcisse pour l’empêcher de progresser sous sa robe. Celui-ci, surpris s’était insurgé :


- Mais que t’arrive-t-il ?

- Je suis embarrassée car nous sommes en public, répondit Adèle.

- Mais c’est le banquet des dieux, répliqua vivement Narcisse.

- Et alors ? rétorqua Adèle.

- Eh bien le banquet des dieux se termine toujours en orgie. C’est ce que nous appelons le dessert !

- Eh bien si c’est un dessert, ce serait impoli de refuser... répondit avec humour la journaliste en plongeant sa main dans le pantalon de son partenaire.

La soirée arrivait à son terme. Narcisse avait tenu ses promesses et Adèle avait croqué avec plaisir sa part de dessert. Elle s’était légèrement assoupie sur le canapé de banquet lorsqu’elle fut réveillée par la présence d’une femme qui se penchait sur Narcisse. Elle reconnut immédiatement Aphrodite. La déesse lui fit signe de se taire en posant un doigt sur ses lèvres et s’agenouilla pour prendre délicatement le sexe de Narcisse dans sa bouche. Adèle était stupéfaite mais n’osait pas s’opposer à la grande déesse, de surcroît symbole de la beauté et de l’amour. Son amoureux ayant réagi instantanément à cette caresse, Aphrodite s’était relevée pour glisser sur lui et le monter en cavalière émérite. Narcisse qui ne boudait pas son plaisir le manifesta bruyamment avant de se relâcher et de s’exclamer :


- Mais, mais c’est Aphrodite !

- Tu m’as reconnue, bel aveugle ! s’écria triomphante la déesse, avant de se retourner vers Adèle en la toisant pour décréter :


- Aucun homme ne peut m’oublier !

Puis elle s’éclipsa sur cette déclaration, laissant Adèle pantoise. Folle furieuse, elle interpella Narcisse :


- Pourquoi as-tu accepté ?

- Mais j’étais aveuglé et je croyais que c’était toi !

- Mais à la fin tu l’as reconnue, s’emporta Adèle.

- Oui parce qu’elle est une amante exceptionnelle !


Il s’aperçut qu’il en avait trop dit et tenta de se rattraper :


- N’oublie pas qu’elle est la déesse de l’amour.

- La déesse des putes ! répliqua la journaliste qui se rhabilla et quitta le banquet.


Adèle vivait son écume des jours. Pour la première fois de sa vie, elle était satisfaite aussi bien professionnellement qu’amoureusement. Narcisse lui avait téléphoné dès le lendemain de l’orgie et s’était excusé. Ils s’étaient réconciliés et elle le voyait de temps à autre. Il était certes très con mais en même temps c’était le plus beau mec de l’univers, ce qui suffisait pour ce qu’elle faisait de lui. Sur le plan professionnel elle avait obtenu ce qu’elle avait toujours désiré, la rédaction en chef de la plus célèbre émission de l’univers. Un seul nuage venait perturber ce ciel si serein : c’était ce Bernard qui venait encore de lui envoyer un SMS pour lui demander son avis sur la couleur de la peinture de la salle à manger.


Comment pouvait-il imaginer qu’elle quitte cette vie rêvée pour rejoindre un petit flic vieillissant dans un patelin pourri de l’Est de la France ?

Elle avait revisité leur histoire depuis qu’elle était rentrée pour tenter d’expliquer l’attirance si improbable qu’elle avait ressentie pour ce type. Sa version était désormais qu’elle avait eu besoin de lui, qu’il avait bénéficié de cette situation et qu’il s’était imaginé que cette faiblesse d’un instant l’autorisait à concevoir des projets d’avenir. Malgré tout elle l’aimait bien et ne voulait pas le blesser. C’est dans cet esprit qu’elle lui avait répondu : « Choisis les couleurs toi-même car je suis coincée ici professionnellement et je ne pourrai pas revenir avant une année. » Elle pensait qu’il comprendrait et qu’il l’oublierait mais il avait aussitôt répondu :

« Je suis triste d’apprendre ce contretemps mais ne t’inquiète pas car je t’attendrai. »


Bernard pressait le pas pour arriver à l’heure au rendez-vous fixé avec Roger chez Ginette. Il avait été retardé car le commissaire était venu lui annoncer qu’il faisait l’objet d’une enquête disciplinaire. Roger l’attendait au bar en sirotant un Picon avec les autres poivrots du commissariat. Ils étaient tous bien éméchés et s’esclaffèrent en cœur en le voyant arriver : « Voilà l’amoureux ! » Bernard, excédé le tira par le bras pour l’arracher de son tabouret et le conduire à sa table habituelle. Roger l’interrogea dès qu’ils furent assis :


- À voir tes traits tirés, j’imagine que tu as des soucis ?

- Oui ça ne va pas très fort en ce moment. Je suis content de pouvoir en parler à quelqu’un et je te remercie d’avoir accepté mon invitation.

- Raconte-moi, lui demanda amicalement son copain.

- En résumé, rien ne va. La femme de ma vie est éloignée pendant un an pour des raisons professionnelles, j’ai des soucis avec ma hiérarchie et enfin je fais des travaux à la maison et une partie du plafond s’est effondrée !

- Prenons tes ennuis un à un, l’interrompit Robert.

- Le problème de tes travaux est le moins grave des trois. Mais pourquoi rénover ta vieille baraque ?

- Pour elle, oui tout simplement pour elle. Je voudrais qu’elle s’installe dans un bel endroit à son retour. Au début je n’envisageais que des travaux de peinture mais l’entrepreneur m’a proposé d’abattre un mur pour amener de la clarté dans le salon et c’est en y procédant que le plafond s’est effondré.


- Classique… commenta Robert.

- Le problème est que je n’ai pas assez d’économies pour tout payer.

- Tu feras un prêt, conclut Robert avant de lui demander :

- Et tes ennuis professionnels ?

- Ben, j’ai les bœufs-carottes sur le dos. Ils me reprochent d’avoir filmé des témoins pendant leur audition et d’avoir communiqué l’enregistrement à la presse.

- Rien que ça ! s’exclama son collègue, mais pourquoi ?

- Mon amoureuse me l’avait demandé, c’était important pour elle, alors je l’ai fait.

- Tu te rends compte que tu vas être rétrogradé et que tu te retrouveras à la circulation.

- Je sais, répondit Bernard en soufflant.


Roger qui avait le sens de la synthèse relança la conversation :


- Si je comprends bien, à cause d’elle tu as démoli ta maison et tu risques de te faire virer de ton boulot.

- Oui c’est vrai, mais tu comprendras quand tu la verras.

- J’espère, répondit avec ironie son collègue.


Ginette interrompit leur conversation en leur proposant le plat du jour, des tripes au vin blanc, ce qui réjouit les deux convives. Elle les quitta pour passer la commande en cuisine. Les deux flics entamèrent une discussion tendue pour déterminer le vin à choisir. Bernard préférait un pichet de vin blanc d’Alsace alors que Roger s’accrochait à son Côtes-du-Rhône. Ils se lancèrent dans un long débat sur le mérite des deux vins jusqu’à ce que Bernard tranche en commandant les deux.

Roger avait immédiatement embrayé sur son sujet préféré, la bouffe. Il connaissait toutes les recettes de tripes qu’il énumérait avec gourmandise : les tripes à la mode de Caen, à l’ancienne, à la Marseillaise, à la Provençale, ou à la Lyonnaise. Il était intarissable et s’enflammait en les comparant pour conclure que ses préférées étaient les tripes à la tomate.


Bernard l’avait écouté avec patience mais lui ne voulait parler que d’Adèle. Il avait interrompu son copain qui débordait avec autant d’enthousiasme sur la cuisson des rognons :


- Elle est partie pour un an sur l’Olympe.

Avant d’ajouter :


- Mais je l’attendrai.

Roger surpris d’être interrompu, resta quelque temps muet avant de trouver la bonne réponse :


- Tu sais, moi je suis bien parti deux ans en Algérie et Henriette m’a attendu !

Cette réflexion apaisa Bernard car elle donnait une forme de normalité à sa situation ; Il n’était plus le seul à supporter une longue rupture, d’autres l’avaient éprouvée avec succès.

Ragaillardi, il se jeta sur le plat de tripes fumantes que Ginette venait de servir.


Tisiphone ne quittait Jean que pour aller se coucher. Elle voyait Alecto au petit déjeuner et le plus brièvement possible car celle-ci lui reprochait de ne pas travailler la vengeance de la troisième candidate qui lui avait été attribuée.

Cependant ce soir Alecto l’attendait dans sa chambre. Elle prit la parole avant que sa sœur n’ait le temps de réagir :


- J’ai forcé ta porte pour te parler. Je suis très inquiète pour toi car tu consacres tout ton temps à cet humain au lieu de préparer ta mission. Je te rappelle que nous sommes en période probatoire et que nous ne retrouverons notre rang qu’en cas de vengeance réussie. Zeus en a défini les critères. Elle doit être originale, cruelle et raffinée. Nous n’aurons pas de seconde chance d’autant plus que le Grand Conseil sera exigeant car de nombreuses déesses des enfers convoitent notre place.

- Je sais tout ça, lui répondit Tisiphone, mais je suis toujours sous le choc de la décision du tribunal et je suis très inquiète pour Jean dont la santé se dégrade.

- Mais arrête de t’occuper de cet humain !

- Mais c’est impossible, répliqua vivement la déesse, je ne peux plus me passer de lui, je suis triste le soir quand je le quitte et heureuse de me réveiller pour le retrouver.

- Eh bien c’est ce que je craignais, tu es intoxiquée par cette saloperie de virus humain, constata Alecto avant d’ajouter :

- Il est temps que tu rentres à l’Olympe et qu’Hippocrate te guérisse de cette maladie. Pour ce qui concerne Jean, il mourra bientôt parce que c’est son destin et tu ne peux rien y faire.

- Mais c’est dégueulasse ! s’insurgea Tisiphone, il aura une existence écourtée alors qu’une ordure comme Norbert vivra peut-être vingt ans de plus que lui. Je ne peux pas accepter ces situations.

- Ne défie pas les lois fondamentales de l’univers, l’avertit sa sœur.


La seule réponse de Tisiphone fut :


- Je m’accorde un peu de temps et ensuite je mets en place la plus belle vengeance de l’histoire de l’univers.

 
 
 

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