Le rêve d'un rêve, Chapitre 6 : De Moulins à Cahors
- StanislasMleski
- 28 sept. 2022
- 11 min de lecture

Les deux walkyries s’étaient réveillées avec l’odeur du café et des croissants congelés que Maurice faisait griller dans le four à micro-onde. Elles avaient baillé et s’étaient étirées comme toutes les jeunes filles du monde. Elles paraissaient jeunes et innocentes et il fondait de tendresse en les observant et en préparant méticuleusement leur petit déjeuner dans l’espace restreint de la caravane. Brunnehile s’exclama joyeusement que cette odeur pouvait réveiller tous les dieux du walhalla bouscula Gudrun et toutes les deux se précipitèrent sur les croissants qu’elles engloutirent en un temps record.
Elles s’étaient débarrassées de leurs draps et évoluaient nues sans que cette situation paradoxale ne choque Maurice.
Mais avant même qu’il n’ait le temps de s’en rendre compte elles étaient sorties indiquant qu’elles allaient se laver dans le lac car les blocs sanitaires étaient dégueulasses.
Il les poursuivit quelques mètres pour leur rappeler qu’elles étaient nues et que l’eau du lac était glaciale mais elles rigolèrent en disant qu’elles étaient habituées.
Maurice en profita pour refaire les lits, ranger et nettoyer la caravane. Elles revinrent fraîches comme des étudiantes partant à l’école et s’installèrent à l’arrière de la voiture.. Maurice s’arrêta devant la barrière et entra dans la baraque défoncée pour régler la facture. Les deux tôliers étaient encore attachés à côté du grill en geignant et crurent leur dernière heure arrivée quand Gudrun s’approcha avec son couteau pour les libérer. Maurice leur tendit la main pour les aider à se relever et leur demanda ce qu’il leur devait.
Le tôlier hors de lui éructa ;
- Comment pouvez vous me demandez l’addition après ce qui s’est passé hier soir ?
- Mais c’était juste un petit différent culinaire sans importance, déclara Brunnehilde. Je vous aurais fait griller avec le sanglier si j’avais été vraiment fâchée.
Les deux propriétaires évitèrent toute discussion avec cette bande de psychopathes et calculèrent la note :
- 37,50 euros avec la taxe de séjour grommela le patron.
La journée s’annonçait longue avec une durée prévisible de trajet dépassant cinq heures. Gudrun était restée dans la caravane et Brunnehilde s’était installée à l’arrière de la Laguna. Elle s’émerveillait de tout ce qu’elle découvrait et saoulait Maurice de questions auxquelles il n’était pas en mesure de répondre. Que mangeaient les chevaux de sa voiture, quand allaient t ils sortir du capot, pourquoi fallait il emprunter des routes au lieu de traverser les forêts et surtout à quoi correspondaient ces billets que tout le monde utilisait. Il tenta à nouveau de lui expliquer que c’était un moyen d’échange que les travailleurs recevaient en contrepartie de leur travail et que lui par exemple percevait 1 200 euros par mois pour avoir travaillé toute sa vie.
Elle lui demanda alors s’il était riche avec cette somme et il répondit que ce montant lui permettait tout juste de nourrir sa famille de payer les factures et de vivre médiocrement
- En somme, résuma la walkyrie tu as vécu comme un esclave qui a juste le droit de survivre .
- C’est un peu çà concéda Maurice.
Cette réponse plongea Brunnehilde dans une certaine perplexité mais la lucidité de son analyse avait contrarié son chauffeur qui chassa ces idées noires en se concentrant sur sa conduite.
Il était à peu près midi quand Gudrun frappa à la vitre de la caravane pour signifier qu’elle voulait s’arrêter. Maurice se gara sur la place d’un village. Elle sortit du véhicule avec son arc et ses flèches en déclarant qu’elle avait faim et qu’il était temps de chasser un sanglier.
Maurice perdit son sang-froid en hurlant qu’il n’y avait pas de sangliers dans tous les endroits qu’ils parcouraient et surtout pas dans un village du centre de la France . Les deux walkyries ne comprirent pas sa colère et tentèrent de lui expliquer que c’était la base de leur nourriture.
Leur aventure se heurtait à une impasse. Comment pouvait ’il se rendre jusqu’au Portugal avec deux géantes qui ne consommaient que du sanglier ?
Il était assis au volant de sa voiture la tête entre les mains quand il aperçut une boucherie située de l’autre côté de la rue dont la devanture regorgeait de magnifique jambons. La lumière l’éclaira : les porcs n'étaient-ils pas de sangliers domestiqués ?
Il appela ses copines qui boudaient :
- J’ai oublié de vous dire que nous élevons des sangliers domestiqués que nous appelons des porcs.
- Que signifie domestiqués demanda Gudrun
- Ils sont enfermés dans un parc, on les nourrit et ou les mange ensuite après avoir cuit et travaillé la viande ? Ce travail est confié aux bouchers.
Les deux walkyries éclatèrent de joie à l’idée de retrouver leur nourriture préférée.
Brunnehilde qui avait repéré la devanture du boucher avait traversé la route avant que Maurice n’ait le temps de la retenir .Il observa la scène impuissant. Elle était entrée dans la boutique et avait décroché deux jambons entiers devant le boucher souriant . Mais la situation s’était très rapidement dégradée. Elle s’était ensuite dirigée vers le tiroir caisse en avait sorti les billets qu’elle avait redonnés au commerçant comme s’il elle le payait. Il avait décidé d’intervenir mais la situation avait très rapidement dégénéré Le boucher avait sorti un couteau dont elle l’avait désarmé avec une vitesse incroyable avant de l’accrocher à un croc de viande.
Il croisa Brunnehilde qui sortait de la boutique avec ses deux jambons sous les bras et qui lui glissa :
- Il est fou ce type, je lui ai donné tout l’argent qu’il m’a demandé
Maurice éructa :
- Mais tu l’as payé avec son propre argent !
- Décidément, je ne comprendrai jamais rien à vos histoires, commenta la déesse contrariée.
Il entra dans la boucherie pour expliquer qu’il s’ agissait d’un malentendu, que sa fille était handicapée mentale et paya les deux jambons un prix exorbitant. Le boucher ajouta que dans d’autres pays on ne s’embarrassait pas avec ces gens là qu’on éliminait à la naissance.
Puis il demanda à Maurice de le décrocher mais il lui tourna le dos en répliquant :
- J’ai payé un boucher mais je ne suis pas obligé de décrocher un gros con.
Ils approchaient de Brive La Gaillarde et Maurice semblait de plus en plus inquiet . Les deux walkyries attribuaient son attitude à leurs dernières frasques et Brunnehide prit l’initiative de s’excuser mais leur nouvel ami les rassura :
- Non je suis préoccupé parce que le moteur de la voiture est en surchauffe et qu’elle perd de la puissance
- C’est normal que les 110 chevaux que tu caches sous ton capot aient trop chaud. Libère-les pour qu’ils aillent galoper et se détendre, déclara spontanément Gudrun.
Maurice sourit malgré les circonstances alors que de plus en plus de fumée sortait de la voiture. Il roulait au pas quand il poussa un cri de victoire en apercevant un panonceau lumineux Renault à l’entrée du village. Il se gara à l’entrée du petit garage et le moteur rendit l’âme . Un personnage vociférant arriva aussitôt pour lui ordonner de déplacer son véhicule qui bouchait l’entrée de l’atelier. Il était de grande taille et avait une tête d’escroc avec une petite moustache et des cheveux gris et avait manifestement l’habitude de maltraiter les gens plus faibles qui lui
Maurice répondit modestement ;
- Mais je suis en panne.
L’escroc appela son mécanicien, un dénommé Louis qui souleva le capot avec ses mains pleines de graisse, examina le moteur avec une lampe, se coucha sous la voiture et se releva pour livrer son diagnostic : fuite du liquide de refroidissement qui a fait fondre les organes essentiels du moteur qui est foutu. Il faudra compter au moins 4 500 euros de réparation et encore en échange standard.
Maurice eut juste le temps de dire qu’il ne pourrait jamais payer et s’effondra, pris d’un malaise cardiaque. Gudrun le rattrapa en lui glissant à l’oreille qu’elle trouverait une solution.
Pendant ce temps Brunnehilde avait repéré une voiture d’occasion identique qui était en vente sur un parking d’exposition et qui affichait le chiffre qu’elle était incapable de lire. Elle appela l’escroc qui, flairant la bonne affaire s’approcha en frétillant :
- Vous avez repéré un bijou que j’ai reçu ce matin d’une succession et que je vends 6 500 euros. C’est une Laguna 2 fabriquée en 2010, première main, 90 000 kilomètres équipée d’un moteur de 220 chevaux ; mais je vous préviens qu’elle ne restera pas longtemps en vente.
La walkyrie se rue dans la caravane pour annoncer la bonne nouvelle à Maurice qui récupérait tout juste de son malaise et qui lui apprit avec tristesse qu’il n’avait pas cet argent. Ses deux nouvelles copines se rebellèrent :
- Nous refusons que notre aventure s’arrête. IL se trouve où votre argent ?
- Dans des banques ou plutôt dans des distributeurs de billets qui se trouvent à l’extérieur du bâtiment. Vous entrez dans l’appareil une carte qui indique les sommes auxquelles vous avez droit et qui distribue l’argent demandé.
- Et où peut-on en trouver ?
- En général au centre du village
- Bon on y va
- Mais vous avez une carte bancaire ! interrogea Maurice
Elles lui répondirent en lui faisant la bise.
Brunnehilde rejoignit l’escroc pour lui dire qu’ils achetaient la voiture et qu’elles allaient chercher l’argent.
Bien qu’il mesurât moins de 20 centimètres de moins qu’elle il se dressa sur ses ergots et la défia du regard :
- Je veux le pognon dans une heure sinon je balance vos deux poubelles à la casse.
Elle se moqua de cette menace en éclatant de rire .
Maurice avait la tête effondrée sur la table de la caravane anesthésié par l’ampleur de drame à un de ces tournants de la vie ou un projecteur éclaire sans concession la médiocrité de votre existence, cette période de survie qui s’est limitée à alimenter vos organes vitaux. Il avait même raté son rêve de Luana et allait perdre ses deux nouvelles copines qu’il aimait déjà comme ses filles. Tout était foutu et il avait décidé d’en terminer en s’enfermant dans le coffre de sa Laguna quand l’épave serait broyée.
Ses idées noires se dissipèrent en entendant les rires de ses amies qui bondirent dans la roulotte .
Gudrun était toute excitée en vidant sa poches remplies d’argent sur la table et en commentant :
- On a vidé tout le distributeur mais on ne sait pas compter pour savoir s’il y en a assez ?
Sans poser de questions il compta le billets et déclara 7 000 !
Elles se tapèrent dans les mains :
- On a assez d’argent pour acheter la voiture !
Mais Maurice atterrit aussitôt :
- Mais comment avez-vous sorti cet argent ?
Brunnehilde répondit comme s’il s’agissait d’une évidence :
- Nous les walkyries aspirons les âmes des cadavres des guerriers morts au combat, alors c’est un jeu d’enfants pour nous d’aspirer des billets contenus dans une boîte et on va t’acheter une autre Laguna.
Tous les trois rejoignirent le bureau du garage . L’escroc les attendait avec un sourire commercial :
- Vous avez l’argent ?
Gudrun lui donna une liasse de 6 500 euros qu’il compta méticuleusement avant de lui rendre :
- Le prix est maintenant de 10 000 euros
- Mais vous vous étiez engagé sur 6 500 euros reprit Gudrun
- Oui mais la situation a changé depuis tout à l’heure, c’est ce qu’on appelle le loi de l’offre et de la demande. Soit vous payez le prix soit vous dégagez vos deux poubelles .
Maurice s’effondra à nouveau. Ils n’avaient pas cet argent . :
Mais c’était sans compter sur ses deux nouvelles copines. Brunnehilde se dirigea vers le garagiste et se planta devant sa chaise :
- Savez vous ce que nous faisons aux parjures au walhalla ?
Il était de plus en plus arrogant :
- Je me fous de ce que vous faites dans votre valtriuc...
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase .
Gudrun l’avait tiré par les cheveux avant de le balancer dans un fût d’huile usagée.
Il hurla qu’elle était folle sans voir Brunnehilde qui avançait avec botte de paille récupérée dans le champ voisin. Les yeux de Gudrun avaient viré au vert foncé et dégageaient une incroyable impression de férocité. Elle commenta :
- Tu m’as interrompu alors écoute moi bien : chez nous les félons sont enduits d’huile de poisson et roulés dans de la paille. Puis la victime lui laisse 50 mètres de fuite avant de tirer une flèche enflammée qui incendie la paille. Le traître dispose de quelques secondes avant de trouver un point d’eau s’il veut sauver sa vie
Brunnehilde le sortit par les cheveux de l’ignoble baquet et l’enduisit de paille avant de commenter :
- Voilà donc ce qui va t’arriver si tu ne respectes pas ton engagement ou même si ta voiture ne convient pas à notre pote.
L’escroc n’osait plus parler et accepta le prix de 6 500 euros d’un geste de la tête. Louis le mécanicien regardait la scène sans bouger et se proposa d’accompagner Maurice pour lui présenter le véhicule. Il récupéra les clefs dans le bureau et lui glissa :
- C’est bien fait pour cette ordure qui m’exploite depuis des années.
Maurice et le mécanicien étaient comme des gamins qui découvraient un nouveau jouet. Ils avaient fait le tour de la voiture, inspecté le châssis ouvert le capot, examiné les nouveaux cadrans. Et enfin, moment solennel Maurice installé sur le siège conducteur mit en route le moteur et quitta le garage pour effectuer quelques kilomètres d’essais avant de revenir le visage épanoui pour déclarer : cette voiture nous emmènera au bout du monde. Il se précipita sur ses copines et les embrassa chaleureusement.
En une heure les documents furent régularisés et la nouvelle voiture raccordée à la caravane. Maurice manœuvra avec précaution pour quitter le parking quand Gudrun s’exclama :
- On a oublié l’escroc !
Tous pouffèrent de rire et Gudrun sortit de la voiture :
- Je t’offre le choix. Soit je te laisse 100 mètres d’avance avant de tirer une flèche enflammée et tu pourras peut être t’en sortir si je te rate
L’escroc n’avait pas l’air emballé par cette solution et osa demander :
- Et l’autre solution ?
Je t’attache à l’entrée de ton garage avec une pancarte : « Je suis un escroc »
Il s’exclama soulagé :
- Je prends la deuxième.
Maurice ressentait quand même une certaine culpabilité d’avoir bénéfice du vol du distributeur de billets et avait décidé de partager ses remords avec ses nouvelles copines ; Cependant la réponse de Brunnehilde clôtura définitivement le débat :
- Tu ne fais que reprendre à la vie tout ce qu’elle t’a volé.
Le camping Rivière de Cabessut qui les accueillait était situé dans un endroit magnifique au bord du Lot. L’accueil était souriant et efficace . L’hôtesse d’accueil lui indiqua leur emplacement tout en précisant qu’ils étaient situés à côté d’un groupe d’athlètes qui s’entrainaient pour le triathlon de Cahors et qu’elle espérait qu’ils ne seraient pas dérangés
Ils s’ étaient tous les trois installés dans des transats et regardaient les coureurs passer devant eux quand Gudrun voyant un grand blond qui doublait les autres déclara :
- Celui là je le veux, je pars à la chasse !
Et elle bondit de son transat pour le rattraper
Maurice explosa ;
- Elle ne va pas encore nous ramener un sanglier !
- Non, éclata de rire sa copine, elle part à la chasse au sexe et elle expliqua que Gudrun avait un gros appétit sexuel.
Les joggeurs qui essayaient de suivre Marius furent très étonnés d’être doublés par une fille gigantesque qui semblait courir sans effort . Elle rejoignit facilement le coureur de tête tout étonné de la voir à ses côtés et de lui adresser la parole sans être essoufflée alors qu’il était déjà dans la zone rouge. Elle lui dit qu’elle s’appelait Gudrun. Il essayait de réfléchir et de reprendre son souffle. Il était le champion du Lot et personne ne l’avait jamais accroché avec autant de facilité. Il serait la risée de toute la course demain s’il était écrasé par une fille à l'entraînement. Mais il restait encore cinq kilomètres et il escomptait qu’elle baisserait très rapidement de rythme ; Il devait s’agir d’une russe ou d’une allemande de l’est dopée à l’EPO. Il était sûr de sa tactique habituelle d’accélérer progressivement pour décrocher son concurrent mais à chaque fois elle répondait à l’attaque et au contraire relançait le rythme . Il restait encore un tour du camping d’environ deux kilomètres quand elle lança une attaque foudroyante qui le laissa sur place. Mais il se refusa à arriver second alors que le sélectionneur était dans le comité d’accueil. Il puisa au fond de son énergie vitale pour recoller, son cardio fréquencemètres indiquait 210 pulsations, sa vue se voilait, et il eut l’impression de la rattraper quand il s’évanouit dans ses bras. Elle le chargea sur ses épaules et se dissimula dans le sous-bois pour consommer le gibier qui crut qu’il avait été drogué quand il se réveilla avec la géante en train de le chevaucher.
Gudrun passa au restaurant pour connaître le menu qui miraculeusement proposait du ragoût de sanglier et elle réserva trois couverts pour le dîner. Puis elle retourna à la caravane, murmura à Brunnehilde qu’elle avait eu son gibier à la course et déclara qu’elle les invitait à dîner au restaurant parce qu’elle était passée au distributeur de billets situé à l’entrée du camping.
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