Le rêve d'un rêve. Chapitre 14 : Praia do Tonel
- StanislasMleski
- 15 juin 2023
- 17 min de lecture

Maurice leur avait prêté la caravane et l’avait garée derrière un bouquet d’arbres au bout de l’arc de cercle de la falaise. Cet endroit offrait une vue panoramique sur la plage et sa situation permettait d’observer les rochers.
C’était un endroit où la mer furieuse à marée haute s’écrasait au pied de la muraille et dont les embruns embrumaient le sommet du rocher.
Les walkyries firent leurs courses, en attendant que l’océan libère la plage, dans la supérette du bled bétonné qui surmontait l’autre bout de la falaise . Cependant à leur grande surprise le rayon charcuterie était remplacé par des produits bizarres qu’on appelait vegan. Pas de jambon, pas de saucisson. Tout juste avaient elles acheté quelques bouteilles de côte du Rhône mais étiquetées bio . Fort heureusement elles avaient trouvé une boucherie dans laquelle elles avaient acheté deux jambons fumés entiers ainsi qu’une quantité non négligeable de différents saucissons pur porc.
La gérante du magasin d’articles de surf se frotta les yeux pour être certaine de chasser une hallucination en voyant arriver deux géantes portant chacune un jambon sur l’épaule . Elles cherchaient des bikini et des combinaisons de surf mais elle ne disposait d’aucun article féminin à leur taille. Elles se contentèrent d’un maillot pour homme xxxxl et de t-shirts de basketteurs.
La mer s’était retirée en fin de matinée libérant une bande de sable et elles avaient décidé de se rendre à la plage en longeant le haut de la falaise et en empruntant l’escalier taillé dans le roc qui conduisait au rivage ; leur plan était de s’intégrer aux surfeurs pour glaner d’éventuelles informations sur Stanford.
Il y avait peu de monde à l’exception d’un petit groupe agglutiné autour d’une construction en béton bariolée de peintures vives où était installée l’école de surf . Une vingtaine de filles et de garçons étaient mollement allongés sur le sable ou sur leur planche avec des écouteurs sur les oreilles. La taille et la silhouette sculpturale des deux nouvelles n’échappèrent à personne. Les filles devinrent immédiatement folles de jalousie et les garçons se dressèrent comme des coqs.
Les deux walkyries sûres d’elles s’avancèrent lentement vers le groupe tétanisé :
- Nous sommes des débutantes et nous voulons prendre des leçons de surf déclara Brunnehilde ;
Un bellâtre avec des cheveux blonds décolorés se releva avec nonchalance et déclara qu’il était le professeur de surf. Il se donnait l'air désabusé de ceux qui pensent que cette attitude leur confère de l’importance .
Il consentit à parler d’une voix traînante :
- Je prends vos inscriptions, c’est cent euros, et nous débuterons les cours la semaine prochaine.
- Non répondit fermement Gudrun, nous voulons commencer tout de suite.
- Mais les rouleaux sont forts aujourd’hui pour des débutants et l’eau trop froide pour surfer sans combinaison.
- Pas pour nous qui nous baignons dans les fjords norvégiens, rétorqua Brunnehilde.
Le moniteur se tourna vers son public en haussant les épaules avec un sourire moqueur l’air de dire, tant pis pour elles on va leur donner une leçon.
Il enfila une demi combinaison en veillant à faire admirer ses muscles et installa trois planches sur le sable mouillé avant de prodiguer quelques conseils qu’il baptisa pompeusement un cours théorique :
- Le principe du surf est de glisser sur les vagues. il convient dans un premier temps de s’allonger sur la planche pour franchir la barre et gagner la large en ramant avec vos bras .
Et il ajouta en se tournant vers son auditoire narquois :
- Ce n’est pas aussi évident que vous pourriez le penser. Certains n’y arrivent jamais.
Il poursuivit :
- Une fois que vous serez au large, vous vous retournerez et attendrez la bonne vague qui vous emportera vers le rivage. C’est le moment de tenter de se relever en cherchant votre équilibre en abaissant votre centre de gravité. Vous pourrez prétendre que vous êtes un surfeur quand vous atteindrez la plage debout sur le planche.
Il s’arrêta pour ménager son effet et déclara en se tournant vers ses admirateurs :
- Mais ce sera dans plusieurs saisons !
Ils éclatèrent tous de rire mais les walkyries ne se décontenancèrent pas et déclarèrent que le jeu leur paraissait assez simple.
Elles saisirent leurs planches et se dirigèrent vers la mer, suivies par leur moniteur ahuri de leur audace et bientôt dépassé par les évènements car elles s’étaient allongées sur leurs planches et ramaient avec une telle puissance qu’il n’arrivait pas à les suivre.
Il venait tout juste de les rejoindre quand une vague propice débuta son déferlement.
Gudrun s’accroupit sur la planche avec une incroyable agilité mais perdit rapidement l’équilibre tout comme Brunnehilde. Le moniteur et son groupe de fans étaient sidérés par leurs progrès à tel point que le bellâtre restait figé au large allongé sur sa planche. Les deux géantes essayaient sans relâche, montaient sur la planche, tombaient dans les vagues, se ramassaient et repartaient aussitôt.
Le moniteur qui les observait savait qu’elles devaient tout simplement abaisser encore plus leur centre de gravité compte tenu de leur taille mais il s’était abstenu de les conseiller dépité par leur facilité et parce qu’il voulait encore maîtriser la situation.
Mais Gudrun trouva intuitivement la solution et parvint à rejoindre la plage sur sa planche .
Elle avertit sa sœur qui réussit la même performance.
Elles profitèrent de leur nouveau loisir pendant au moins une heure avant de rejoindre le groupe de l’école de surf où elles reçurent un accueil glacial.
Le moniteur bellâtre qui se prénommait Roberto les agressa devant tout le monde :
- Vous vous êtes bien foutues de ma gueule en jouant les débutantes alors que vous avez des années de surf derrière vous.
Elles furent désarçonnées par cette hostilité de ceux dont elles cherchaient à gagner la sympathie.
Gudrun répondit spontanément :
- Nous sommes des débutantes en surf mais nous avons le sens de l’équilibre car nous conduisons dans l’éther un char tiré par une meute de loups.
Les babas cool se regardèrent comme s’ils avaient affaire à des folles mais Brunnehilde rattrapa la bourde de sa soeur :
- C’est une plaisanterie norvégienne qui signifie que nous pratiquons le surf des neiges dans nos montagnes et sur nos glaciers.
- Ah bon, je comprends ! s’exclama le moniteur, la technique est presque la même.
Il afficha un grand sourire qui découvrit ses dents trop blanches et annonça :
- Alors bienvenue au club. On organise une soirée sur la plage ce soir à marée basse, vous êtes invitées.
Puis il ajouta en rigolant :
- Amenez de la sangria, nous on fournit la beuh !
La fête battait déjà son plein quand elles arrivèrent sur la plage. Une dizaine de garçons et six filles étaient réunis autour d’un feu de bois et d’un guitariste aux cheveux longs qui se prenait pour Dylan. Tous fumaient des cigarettes roulées qu’ils se passaient de main en main. Une odeur âcre flottait autour d’eux. Le groupe s’écarta pour faire une place aux deux nouvelles dont tout le monde parlait et elles participèrent tout naturellement au cérémonial de la fumerie si bien qu’elles flottèrent rapidement dans un nuage rose de félicité artificielle. Le bruit de la mer, l’odeur des embruns, la douceur de la musique étaient ressentis avec une intensité inégalée. Tout comme les caresses des garçons qui les entouraient… et cette impression de chavirer dans un plaisir dérobé.
Elles furent réveillées par la marée montante. La plage était vide. Elles regagnèrent leur caravane avec un goût amer dans la bouche et une envie de vomir . Brunnehilde résuma la situation sur le chemin du retour :
- Je crois que nous avons perdu le contrôle
- Oui répondit Gudrun, tu crois que nous avons ...
Elle n’avait pas envie de prononcer le mot.
Sa soeur lui répondit :
- C’était un peu comme un baisabrock.
- Ça me dégoûte, je n’en ai plus envie.
- Moi non plus, je veux connaître un rêve comme Maurice et Luana ou Estela et Guadalupe.
Elles retournèrent sur la plage en milieu d’après midi et furent accueillies chaleureusement par le groupe des surfeurs. L’un d’entre eux, le guitariste, un certain Rocky dont le bermuda descendait jusqu’à la raie des fesses s’écria avec admiration dans son vocabulaire débile réduit à 50 mots :
- Putain les meuffs, vous avez déchiré hier soir !
Gudrun vexée par cette allusion à ses performances sexuelles se précipita vers le cuistre et le souleva de terre en le prenant par le cou. Brunnehilde lui hurla de le lâcher et elle le laissa retomber sur les fesses en ajoutant :
- Je t’arrache la tête la prochaine fois que tu me traites de pute !
Le dénommé Rocky déguerpit sans même tenter de dissiper le malentendu.
Roberto était sorti de son blockhaus alerté par le bruit et s’approcha de Brunnehilde en se collant contre elle gluant et obscène pour lui glisser :
- Ça a bien matché entre nous hier soir !
Brunnehilde fit un effort surhumain pour jouer le jeu et préserver sa relation avec cet imbécile et elle se fendit d’un sourire entendu.
Elle rejoignit Gudrun qui prenait une planche de surf et elles se lancèrent dans l’eau fraîche de la mer qui calma leurs colères respectives.
Après le surf, Brunnehilde s’était allongée sur une serviette pour s’y reposer. Roberto en profita pour s’installer à côté d’elle et amorcer une conversation à laquelle elle se prêta de bonne grâce pour tenter de glaner des renseignements.
Il posa des questions banales avec son vocabulaire de débile, tu viens de quel bled, tu crèches où, pourquoi tu kiff le surf, on pécho ce soir ?
Elle lui répondit en s’efforçant de garder son calme qu’elle était norvégienne, était venue au Portugal pour le soleil et le surf et qu’elle passerait bien la soirée avec lui si elle n’était pas aussi fatiguée.
Roberto satisfait s’était collé contre elle et se pavanait devant ses copains ;
Brunnehilde profita de la situation pour amener la question qui lui brûlait les lèvres :
- Nous recherchons un copain qui devait nous rejoindre et qui s’appelle Stanford ;
Roberto s’exclama instantanément :
- Vous aussi !
Et il ajouta envieux :
- Mais qu’est ce qu’il a ce type pour que tout le monde veuille le rencontrer.
- Mais qui ? demanda-t-elle
- La semaine dernière c’était Bob un américain puis Tatiana et Boris des russes hyper cool qui étaient venus surfer en Algarve. Ils sont partis visiter d’autres plages et sont repartis en Russie en attendant que je les appelle.
- Et Bob ? s’inquiéta-t-elle
- Même chose, il a renoncé et m’a demandé de lui téléphoner dès que j’aurai des indices .
Il se pencha vers elle comme pour lui faire une confidence, en profita pour lui effleurer les fesses et lui glissa :
- En plus ils sont plein de tunes et m’ont promis plusieurs milliers de dollars si je leur permettais de le retrouver.
- Et tu l’as trouvé.
- Pas encore mais bientôt.
- Explique moi, le pressa Brunnehilde
- J'ai repéré deux mecs bizarres qui viennent surfer à l’aube ou au crépuscule et qui repartent sans saluer personne.
- Je les ai suivis du regard il y a quelques jours, ils ont emprunté les escaliers et je les ai perdus de vue un peu comme s’ils avaient disparu dans la falaise. Je me suis alors souvenu que mon grand-père qui était contrebandier planquait son matos dans une des grottes de la falaise. Je suis sûr qu’ils s'y planquent et que ce Stanford est un des deux ;
- Et tu l’as dit à Bob et aux deux Russes ? demanda Brunnehilde
- Pas encore, j’attends de voir leur oseille, je ne suis pas un naze et j’ai le sens des affaires.
- Et il existe toujours ton grand-père, demanda-t-elle
- Oui et il habite même dans le village répondit ’il
Mais il fronça aussitôt les sourcils :
- Mais tu n’essayes pas de me tirer gratis un renseignement qui vaut mil dollars ?
- Je t’en offre le double si ton grand-père me montre l’entrée de la grotte.
- D’accord, mais je veux d’abord voir l’oseille, répondit-il, méfiant.
- Si tu veux. Rendez-vous dans une heure devant la caravane.
Une heure plus tard, il l'attendait en se dandinant comme quelqu’un qui n’ose pas parler.
Puis il se lança :
- J’ai téléphoné aux Russes pour leur dire que j’avais des indices et ils m’ont proposé 3 000 euros de récompense. Alors j’ai téléphoné à Bob qui m’a promis une prime de 4 000 euros.
Brunnehilde lui bondit à la gorge et commença à l’étrangler :
- Nous avions un accord, tu es une ordure.
Elle relâcha sa pression et il lui répondit avec une certaine arrogance :
- Ce sont les affaires, soit tu renchéris, soit tu dégages !
Gudrun était sortie attirée par les éclats de voix.
Sa sœur lui fit signe de se calmer car elle avait besoin de précisions ;
- Bon, on peut s’arranger pour l’argent et je peux te donner la même somme même si je trouve que ta conception des affaires est nauséabonde. Je veux savoir ce que ‘t’ont dit les russes et l’américain ?
- Ils m’ont demandé chacun de n’en parler à personne le temps qu’ils arrivent.
- Quand ? hurla Gudrun
Roberto commençait à se méfier de ce deux géantes et répondit :
- Bon on laisse tomber, c’est trop compliqué
Gudrun le prit par le col de sa chemise hawaienne en le soulevant de terre et répéta la question :
- Ils m’ont tous dit dans trois jours, le temps de réunir leurs potes et leur matériel de surf. Ils seront sur place samedi dans la journée.
L’imbécile s’était lancé dans une entreprise trop périlleuse pour sa petite tête de moniteur de surf tant il était évident que les premiers arrivés le supprimeraient dès qu’ils seraient en possession de leur tuyau
Il tenta de s’éclipser en clamant un :
- Tchao les meufs, on se voit demain sur le spot !
Et il s’enfuit en courant.
Il fut immédiatement rattrapé par Gudrun qui le ramena à Brunnehilde en le tirant par les cheveux .
Le bellâtre trembla de tout son corps en voyant le regard glacial de la walkyrie :
- Tu as passé un pacte avec nous et tu le respecteras.
- Sais tu comment nous punissons les renégats dans notre pays ?
- Non, répondit l’ahuri en tremblant
- Nous leur crevons les yeux.
Roberto éclata en larmes.
Brunnehilde lui dit faussement rassurante :
- Mais nous ne t’aveuglerons pas parce que nous t’aimons bien, et nous allons juste te couper une oreille.
Gudrun lui sectionna l’oreille droite d’un coup d’épée sans qu’il ait le temps de réagir. Il hurla de douleur et se roula par terre regardé avec mépris par les deux guerrières.
Brunnehilde le consola avec cynisme :
- Cela ne t’empêchera pas d’entendre alors que si nous t’avions crevé les yeux...
Puis elle le releva en le tirant:
- Maintenant arrête ton cinéma et essuie toi . J’espère que tu as compris la leçon. Tu vas nous emmener chez ton grand-père pour qu’il nous indique l’entrée de la grotte.
Elle le regarda droit dans les yeux:
- Sinon je te découpe vivant.
Le grand-père d’Ernesto habitait une ancienne maison de pêcheur de l’autre côté de la falaise. Elle était composée d’une cuisine, d’une salle à manger, d’une chambre et prolongée par une grande cour entourée de murs qui contenait une grange et un fumoir. Ernesto les avait prévenues que son grand-père abusait de l’alcool et avait un mauvais caractère. Des ronflements à faire trembler les murs s’échappaient de la maisonnette. Gudrun enfonça la porte d’entrée d’un seul coup d’épaule. La chambre était placée au fond de la maison et puait l’alcool et le vieux pas propre .
Le moniteur essaya de le réveiller en le secouant mais l’autre refusait de se lever et se retournait en poussant des grognements de porc. Brunnehilde excédée par la situation remplit d’eau froide un sceau trouvé dans la cuisine et lui balança dans la figure.
Le vieux qui s’appelait Emilio se réveilla en hurlant « on coule, on coule » avant de prendre conscience de la situation en se redressant.
Il éructa d’une voix avinée :
- Qu’est ce que tu fous là avec ces deux boudins espèce de feignant
Roberto gêné mais aussi conscient du danger bredouilla :
- Je vous avais dit qu’il avait mauvais caractère .
Brunnehilde écœuré par son haleine fétide s’empara d’une bouteille d’after shave qu’elle avait repérée sur l’évier de la cuisine, lui pinça le nez pour qu’il ouvre la bouche et lui pulvérisa dans la gorge. Emilio faillit s’étrangler mais elle constata avec satisfaction :
- Ah, c’est déjà mieux.
Le vieillard s’était assis sur son lit. Bunnehilde avait pris une chaise sur laquelle elle s'était assise à califourchon et lui faisait face en le dévisageant de son regard de glace :
- Nous voulons ta grotte.
Le vieux bondit de son lit avec une agilité surprenante sans doute due à la rage et allongea une droite au bellâtre qui vacilla :
- Tu leur a dit pourriture, c’était un secret de famille !
- Vous réglerez vos histoires de famille plus tard hurla Gudrun si fort qu’Emilio se laissa tomber sur le lit.
- Maintenant vous allez nous emmener sur les lieux et nous en montrer les accès.
- Jamais ! rétorqua le vieillard. Nous sommes contrebandiers de père en fils depuis 1910 l’avènement de la république et les premières guerres civiles. Nous nous sommes spécialisés dans le trafic d’armes et de drogues que nous planquons dans cette caverne.
- Mais nous avons connu nos meilleurs moments pendant la deuxième mondiale. Avec mon père nous abritions des juifs qui fuyaient l’Espagne qui nous payaient pour les cacher en attendant les canots qui devaient les récupérer sur la côte et dès qu’ils avaient payé nous les dénoncions à la police secrète pour toucher les primes.
Il se laissa aller et déclara que c’était une belle époque puis il poursuivit :
- Malheureusement la paix est revenue et après une période de disette je me suis reconverti avec le père de cet inutile dans l l’importation de drogue qui venait du Maroc et qui était stockée dans notre caverne . Malheureusement Il a été tué il y a 15 ans à l’occasion d’un règlement de comptes et quand j’ai pris ma retraite ce feignant de Roberto a refusé de reprendre le métier parce qu’il préfère jouer le play boy sur la plage . Mais l’endroit n’est pas abandonné .
- Depuis quand n’y êtes-vous plus retourné ?
- Depuis quelques années, mais j’avais bien l’intention d’y aller bientôt pour graisser les vérins.
- Tu vas lever ta bedaine remplie d’alcool et de graisse et nous y emmener tout de suite ordonna Brunnehilde.
La vieille ordure la défia du regard :
- Parce que tu crois peut être que je vais révéler un secret de plusieurs siècles à une espèce de géante psychopathe.
- Tu le feras d’une manière ou d’une autre reprit Gudrun car nous découperons ton petit fils en lambeaux jusqu’à ce que tu avoues
Le vieillard ivre de rage éructa:
- Vous pouvez même lui arracher les couilles devant moi .
Et il ajouta en éclatant d’un rire dément :
- Et vous épargnerez bien des maladies vénériennes !
Les walkyries étaient confrontées à une situation inextricable car elles ne disposaient d’aucun moyen de pression efficace contre lui. Elles ne pouvaient pas prendre le risque de. le torturer de crainte qu’il n’en meure et n’emporte son secret dans la tombe.
Il était nécessaire de trouver la faille, ce qu’il aimait le plus dans la vie.
La bonne question était posée et la réponse fut évidente : le fric !
Il devait avoir un magot dissimulé quelque part avec tout l’argent qu’il avait trafiqué mais où ?
- Le petit fils doit bien avoir une idée, suggéra Gudrun.
Elle le prit à l’écart pendant que Brunnehilde fouillait la chambre du grand-père.
- Je veux ce secret et je n’ai pas d’autre choix que de te torturer pour le faire céder et je vais commencer par te couper un doigt.
Gudrun avait sorti son épée.
- Non ça ne changera rien hurla Roberto, il n’y a que le pognon qui compte pour lui .
- Tu pourrais arranger tes affaires si tu m’aides à trouver où il le planque
Roberto avait saisi le parti qu’il croyait pouvoir tirer de cette situation :
- Je me souviens qu’ils se rendaient avec mon père dans la grange quand il lui apportait de l’argent.
- Allons y, ordonna Gudrun
La grange était construite au fond de la cour à côté d’une cabane d’où sortait de la fumée. Roberto précisa que c’était un fumoir artisanal qui avait été installé par son arrière grand père qui était toujours utilisé par Emilio qui fumait lui même son jambon.
Ils trouvèrent rapidement un coffre fort de la taille d’un homme dissimulé dans le tas de bois mais qui était si lourd qu’elle n’arriva pas à le déplacer . Elle retourna dans la maison pour demander de l’aide à sa soeur qui l’accompagna après avoir attaché les deux ordures
Elles réussirent en conjuguant leurs forces à basculer le coffre fort sur un diable qu’elles poussèrent jusqu’à la maison qu’elles traversèrent pour le déposer au bord de la falaise
en contrebas à quelques mètres de la porte d’entrée.
Brunnehilde retourna dans la chambre et s’adressa au vieillard :
- On a ton coffre fort.
Mais le vieux ne se dégonflait pas et rétorqua en la défiant du regard :
- Peut être mais vous n’aurez jamais la combinaison.
La walkyrie le tira par l’oreille pour le relever et le conduire à la falaise.
Emilio ne comprenait pas ce qui se passait en voyant le coffre fort en équilibre au bord du précipice jusqu’au moment où Brunnehilde prit la parole :
- On s’en fout de ton argent sale, nous voulons juste connaître le secret de la grotte. Soit tu coopères et nous ne le touchons plus, soit on le balance de la falaise et les flics le trouveront demain matin.
L’ignoble vieillard se mit à hurler :
- Vous ne pouvez pas faire ça. Ce sont les économies de plusieurs générations de contrebandiers . Le coffre est plein à craquer, il y l’or des juifs, celui de la contrebande et du trafic d’armes et enfin celui du trafic de drogue. Certains lingots ont plus d’un siècle.
Il précisa avec fierté comme s’il faisait une conférence dans un cercle financier :
- Dans ma famille nous avons toujours exigé des paiements en or pour nous garantir de la dévaluation monétaire.
- Je me fous de tes commentaires lui dit Brunnehilde qui fit le geste de s’appuyer contre le coffre fort et il brailla qu’il acceptait de leur livrer le secret.
Avant de quitter la maison Brunnehilde demanda son téléphone à Roberto et l’interrogea :
- Quel est ton code ?
- 1,2,3,4
Elle ne put s'empêcher de se moquer :
- Quelle imagination, on voit tout de suite que tu es un intellectuel
Puis :
- Quels sont les derniers numéros que tu as appelés ?
- En dernier l’américain et avant les russes
Ensuite elle lui demanda de lui expliquer le fonctionnement de l’appareil photo ainsi que celui des sms et récupéra la recharge.
Elles abandonnèrent Roberto ligoté dans la chambre et se rendirent à la grotte avec Emilio qui était devenu intarissable au sujet de cette cavité.
Son aïeul l’avait découverte au 19ème siècle quand la municipalité avait creusé une rampe d’accès à la plage dans la falaise pour favoriser l’essor du tourisme.
Les travaux avaient été exécutés à la dynamite et son ancêtre avait remarqué que le roc avait été fendu par l’explosion au niveau de la troisième marche. Il était déjà contrebandier, cherchait un endroit pour planquer sa marchandise et avait flairé le bon coup.
Il avait élargi la faille au burin et découvert la caverne miraculeuse. La fente était située dans la muraille d’une grotte de plusieurs centaines de mètres carrés qu’il avait décidé de s’approprier.
A l’époque personne ne fréquentait cette plage en dehors de la saison touristique et le lieu était éloigné de toute habitation ce qui lui avait permis d’aménager un accès en taillant dans le roc une ouverture de deux mètres de haut et d’un mètre cinquante de large invisible de l’extérieur car il avait conservé la pierre d’origine. Il avait travaillé plusieurs hivers de suite et inventé un ingénieux système de poulies et de vérins qui permettait de faire glisser le rocher sur des rails pour pénétrer dans la cavité puis de le remettre en place sans que quiconque ne puisse deviner l’existence de cet espace.
Il en parlait comme un guide faisant visiter un monument historique. Sa superficie était de plus de 300 mètres carrés divisés en plusieurs cellules, la lumière y parvenait en traversant des fissures de la pierre invisibles à l'œil nu et une source coulait au fond de la cavité et débouchait au pied de la falaise.
Emilio prétendait qu’il était possible d’y vivre en autonomie sans être repéré et racontait qu’il s’y était caché pendant plusieurs mois à une époque où il était recherché par une armée de douaniers.
Ils étaient arrivés sur place. Le vieillard se mit à parler à mi voix :
- Vous descendez trois marches, puis vous pivotez sur la droite . Vous plongez votre main dans le lierre qui recouvre la muraille et vous cherchez à environ un mètre cinquante de hauteur une pierre descellée que vous retirez.
Les walkyries mémorisaient ses paroles et Gudrun photographiait chacun des gestes de démonstration du vieillard. Il retira doucement la pierre et deux manettes rouillées apparurent :
- Vous tirez sur la première et le bloc se décale et glisse sur des rails pour dégager l’entrée. La deuxième enclenche l’action des vérins qui repoussent le bloc sur les guides pour qu’il s’emboîte à nouveau dans la muraille. C’est le même mécanisme mais inversé pour ouvrir ou refermer de l’intérieur.
Il était si passionné qu’il avait oublié la situation dans laquelle il se trouvait et que poussé par son enthousiasme il saisit la poignée pour faire une démonstration .
Brunnehilde eut tout juste le temps de lui bloquer la main en lui expliquant qu’ils essayeraient plus tard.
Ils regagnèrent la maison et l’attachèrent à côté d’Ernesto avant de se concerter dans la cuisine :
- Que fait ’on d’eux ? demanda Gudrun
- On ne peut pas laisser de traces et de témoins dernière nous répondit sa sœur d’autant plus que le russes ou les américains feraient la même chose. De toute façon ils sont condamnés .
Elles sortirent leurs épées et regagnèrent la chambre à coucher. En voyant leur regard de tueuses les deux fripouilles comprirent que leur sort était scellé .
- Je te propose de cacher les corps dans le fumoir dit Gudrun
- Super idée, et en plus nous récupérerons les deux jambons qui s’y trouvent répondit Brunnehilde.
Elles accomplirent leur job et regagnèrent leur caravane .
Elles dînèrent ensuite gaiement, ravies d’avoir avancé dans leur enquête et dégustèrent leur jambon ce qui suscita cette épitaphe de Brunnehile :
- Ce vieux était une ordure mais un champion pour fumer le jambon !




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